Promised Land : de l’exploitation du gaz de schiste controversée

Le gaz de schiste représente une terre promise. Ce gaz naturel  promet de grandes richesses aux agriculteurs touchés de plein fouet par la crise économique. Promised Land est un film polémique. Il montre l’envers du décor. Il dénonce les méthodes quasi- frauduleuses des compagnies d’extraction du gaz de schiste prêtes à tout pour s’enrichir quitte à mentir. Tous les moyens sont utiles pour convertir une population plutôt hostile aux forages de  cette énergie dont les mérites ne cesse d’être vantés par Steve Butler représentant pour la société Global INC.

Steve Butler, salarié ambitieux promeut le gaz de schiste comme le nouvel Eldorado énergétique viable pour remplacer le pétrole. La Pennsylvanie, région rurale est sensible à ce sujet. Marquée par la désertification et la pauvreté, cette terre agricole cherche tous les moyens possibles pour lutter contre les ravages de la crise. Cette campagne délaissée devient le terrain de jeu privilégié de Steve Butler. Son but est d’accroître la visibilité et de  garantir une position dominatrice à son entreprise  sur la question de l’extraction du gaz naturel. Il se heurte à de vives oppositions. Rien n’est gagné. Son discours corporatiste bien rôdé est fondé sur la langue de bois.  Ce manque de clarté et d’honnêteté valide les réticences de la commune et de ses habitants. L’arrivée dans le débat d’un écologiste ne va pas lui faciliter la tâche.

Promised  Land : un travail de longue haleine pour Matt Damon et Gus Van Sant  

Gus Van San a co-scénarisé ce film avec Matt Damon. Cette collaboration n’est pas la première. Ils avaient déjà travaillé ensemble sur le film Will Hunting. Matt Damon avait remporté un oscar pour ce film.

Ils se sont documentés et ont rencontré de nombreux acteurs politiques, économiques et industriels afin de construire un scénario réaliste. Ce choix de thème n’est pas anodin. A l’époque où  la question de la transition énergétique est épineuse pour de nombreux pays, ce film tombe à point nommé. En France l’extraction du gaz de schiste fait débat. Aux Etats-Unis, elle demeure controversée. On lui reproche d’être très coûteuse et polluante. Les associations écologistes pointent du doigt les ravages et les dérives qui surviendraient avec  son exploitation. Cette manne financière attise les convoitises. Les enjeux de ce choix politique sont à la fois sociaux, économiques et environnementaux. Par le débat et le vote, le film rappelle tous ces enjeux. Ce sujet pose aussi le problème de l’avenir énergétique d’un monde globalisé.

Promised Land : un film engagé contre le gaz de schiste

Les partis pris choisis par ce film sont intéressants. A la fois humanistes et pragmatiques, ils prouvent que le gaz de schiste peut passionner les citoyens conscients que l’avenir se joue devant eux. Ici les citoyens sont acteurs de leurs décisions, ils prennent leur destin en main. Ce ne sont pas seulement des consommateurs. Ils agissent afin de protéger leurs terres et leurs rendements. Cet activisme s’oppose à celui de Steve Butler et de sa collègue. Cet attachement à la terre renvoie également un message à Steve. Petit fils d’agriculteurs, il se sent véritablement concerné par sa mission. Il se trouve vite partagé entre son dessein professionnel et sa vie personnelle. Il commence à douter et à vaciller.  Va-t-il aller jusqu’au bout de sa démarche ?

Promised Land s’interroge sur un vrai sujet de société. Aux vues du nombre de ses entrées, il connaît pour l’instant un succès mitigé aux Etats-Unis.  C’est peut-être  à cause de son message engagé comme le laisse préfigurer Matt Damon : »Le message du film est clair: ne faites pas la politique de l’autruche. Si vous ne prenez pas de décision elle sera prise à votre place ».

 Steve Butler : un héros des temps modernes ?

Au début du film, Steve Butler incarné par Matt Damon est archétype de l’homme qui a réussit son rêve américain. Originaire d’une famille d’agriculteurs, il a gravit les échelons et travaille pour une grande compagnie énergétique. Sans être antipathique, il joue le rôle de l’employé modèle croyant dur comme fer aux bienfaits du gaz de schiste. Pour lui son entreprise a même des vertus sociales jusqu’au jour où il se rend compte que la réalité est plus complexe.  Plus le fil du film se déroule plus ce personnage révèle ses côtés humains. Il va même jusqu’à comprendre le combat de ses opposants. Un choix cornélien va s’imposer.   Il ne se fera pas sans douleur. Cet itinéraire  personnel  tortueux prouve qu’à chaque instant l’avis d’un homme ou d’une femme peut changer du tout au tout. Même le plus convaincu peut perdre pied.

Promised Land  est pétri de conscience citoyenne. Sans être moraliste ni moralisateur, il s’évertue à poser les bonnes questions sur un sujet aussi délicat que peut l’être l’extraction du gaz de schiste.

Jessica Staffe